Article paru dans le magazine économique Suisse "BILAN", daté de septembre 2010. L'article original est également visible ici.
Par Cristina D'Agostino, le 29 septembre 2010 :
Une histoire sans faux pli, née d’une échoppe de tailleurs, que la troisième génération s’emploie à internationaliser et à globaliser. Une signature du sur-mesure, une ligne de vêtements de loisir comptant pour plus de 40% du CA, une incursion saluée par la profession dans le secteur de la parfumerie et l’embauche récente du talentueux styliste Alessandro Dell’Acqua pour la ligne femme. C’est cela Brioni. Visite d’une marque d’aujourd’hui où l’artisan a encore les faveurs du temps.
La scène du smoking dans le dernier James Bond est mythique. Siglé Brioni et calibré à la perfection, le costume sur-mesure plaque aux courbes de Daniel Craig aussi parfaitement que le regard de Vesper, implacable. Maître de la coupe et du cousu main, Brioni célèbre cette année ses 65 ans. Malgré passablement de ralentissements conjoncturels et une baisse de 40 millions d’euros de CA par rapport à l’exercice 2008, le groupe Brioni Roman Style Spa atteignait 153 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2009 – et déjà plus de 80 millions à juin 2010 – avec un total de 1’800 collaborateurs. Une génération qui aujourd’hui ne ferait mentir la capacité entrepreneuriale des grands-parents, les premiers à avoir imposé des mannequins homme sur les podiums de mode italienne dans les années cinquante et à organiser des défilés sur les paquebots transatlantiques. Aujourd’hui, malgré la démission surprise le 06 juillet dernier d’Andrea Perrone, petit-fils du fondateur et encore récemment président et administrateur délégué du groupe pour des raisons personnelles, la marque est encore en mains familiales, sans aucun signe d’éventuelles cessions.
Retour sur une icone
1945. La dolce vita se fait attendre, mais la patrie de Fellini semble sur le point de connaître le miracle économique à l’italienne. Deux hommes, Gaetano Savini et Nazareno Fonticoli, en ont la ferme intuition et fondent, à Rome puis dans les Abruzzes, ce qui symbolisera encore 65 ans plus tard l’excellence de la haute couture masculine made in Italy. Un nom de marque manquait encore.
L’île Brioni située au large de la Croatie et renommée depuis l’époque de Tito pour son chic et son très ancien club de polo inspirera les deux hommes. Second choix payant, avoir su miser très tôt sur le marché américain. Car le tout Hollywood suivra. De Clarke Gable à John Wayne en passant par Tom Hanks et Daniel Craig, le monde du spectacle mais aussi des affaires et de la politique adoptera la marque. Un grand coup marketing avant l’heure. Alors qu’est-ce qui différencie fondamentalement Brioni de ses nombreux concurrents, tous aussi doués pour l’art du sur-mesure ? C’est à Penne, en cheminant le long des ateliers de la petite ville des Abruzzes que le secret se fait jour. Maîtres tailleurs et couturières pour beaucoup fidèles depuis 40 ans à la marque ou fraîchement sortis de l’école Brioni ont la ferme conviction que leurs gestes quotidiens, identiques depuis toujours, inscrits dans leurs gènes pour parfaire le beau, racontent une vérité plus large, universelle, scellée dans les 65’000 complets annuels qu’ils façonnent. Et une obsession. Celle du respect du client. Mais aussi la lucidité que tout en façonnant le sur-mesure, cette deuxième peau, ils sauvent la leur. Car, mis à part des milliers d’oliviers centenaires et autant d’hectares de terres qui séparent Penne de la capitale, il n’y a rien. C’est pourtant là que Nazareno Fonticoli, maître tailleur, a souhaité implanter les ateliers haute couture de la marque dans les années soixante, au grand dam de son associé, plus amène en affaire qu’en couture. Une folie? Il y a cinquante ans, la traversée des Apennins relevait certes davantage d’une transhumance pastorale que d’une route tracée pour la conquête industrielle.
Mais c’était le prix à payer pour conserver rigueur et savoir-faire, deux des nombreuses qualités qui distinguent toujours les artisans tailleurs des Abruzzes, une réputation qui remonterait même au Vème siècle avant notre ère. Depuis, une autoroute relie les deux points cardinaux de la marque. Un tracé si peu fréquenté que certains Japonais l’ont d’ailleurs baptisé l’autoroute Brioni. Car la puissance économique du groupe italien est palpable dans la région. Principal employeur des Abruzzes, la marque y compte plus de 1’200 artisans.
« Pas plus d’un mois d’attente pour du sur-mesure Brioni »
Aujourd’hui, Brioni continue sa marche vers ce qui fonde sa renommée : une production exclusivement artisanale, le refus du superflu et le service extrême à la clientèle. Antonella De Simone, petite fille de Nazareno Fonticoli et actionnaire de Brioni : « C’est avant tout un sentiment qu’il faut pouvoir ressentir sur sa peau. Mais c’est bien sûr un service qui peut comprendre le déplacement d’un artisantailleur à l’autre bout de la planète, réserver un restaurant et un hôtel pour un client en visite à Rome, réaliser un jean cinq poches sur-mesure – notre unité spéciale en réalise d’ailleurs plusieurs milliers par année – faire dessiner une chevalière à l’identique de boutons de manchettes achetés en boutique. Chez nous, une vente peut durer même une demi-journée. Le client doit se sentir à l’aise et attendre du vendeur un niveau d’expertise exceptionnel, à même de répondre sur le savoir-faire, l’histoire et la valeur Brioni. » Forte de 67 magasins à travers le monde en 2010, dont la moitié en franchise, et une dizaine d’ouvertures prévues prochainement rien qu’en Chine, la marque dédie toujours plus du tiers de sa production au sur-mesure, à savoir plus de 20’000 complets par année.
Une force qui a demandé la mise au point d’une méthode de production basée sur une subdivision extrême des étapes manufacturées, à la recherche d’une efficacité optimale du geste, sans jamais déroger à la tradition. Cette vision, inédite dans le « tailoring » haut de gamme, est l’oeuvre d’un homme, Gianfranco de Matteis, un fidèle de Brioni depuis 42 ans, et aujourd’hui directeur de production. Avec les années, ses observations l’on poussé à diviser la fabrication d’un costume en 220 étapes en moyenne et au total 440 mains pour le façonner. « Une seule prise de mesures, très complète, doit pouvoir suffire pour du sur-mesure Brioni et son délai de livraison ne pas dépasser plus d’un mois! Le client aujourd’hui ne veut plus associer le luxe à une notion d’attente» précise Angelo Petrucci, maître tailleur et l’un des brillants élèves sorti de la première promotion de l’école Nazareno Fonticoli, fondée il y a déjà 20 ans par Brioni pour former la relève et perpétuer le savoir- faire local. Même le tailoring anglais s’en inspire, fierté suprême d’Antonella de Simone, Directrice de la communication chez Brioni. « Depuis trois ans nous avons tissé des liens étroits avec le Royal College of Art de Londres. Les élèves viennent comprendre nos méthodes et apprendre notre savoir-faire. Nous attribuons même un Brioni Award au meilleur d’entre eux. Cette année c’est une femme et j’en suis particulièrement heureuse !
D’ailleurs, la fabrication d’un costume sur-mesure ne diffère presque en rien d’un costume Brioni en magasin. Dans sa façon, mais aussi dans son prix, plus cher d’environ 15 % seulement. Et c’est bien là que réside la particularité de la marque italienne. Les 65’000 vêtements annuels sont pratiquement tous calibrés en fonction des pays, de leurs tendances, de leur climat, de la morphologie type de chacun d’eux. En tout, plus de 3’000 modèles internationaux. Gianfranco de Matteis explique « Il faut paradoxalement 2 mois et demi pour un complet saisonnier, car la perte de temps est assez grande entre chaque étape. Nous pourrions gagner plus de 30% sur les coûts et le temps si l’habit était identique du matin au soir, mais les personnalisations sont si nombreuses sur un complet Brioni que ce gain est impossible ». Nombre de poches et de boutons, tissus, couleurs des coutures, ouvertures, tout peut être décidé en fonction de ses goûts. Au final, luxe suprême, le complet devra reposer, plusieurs jours, dans une salle aménagée à cet effet, pour que les structures du complet s’harmonisent entre elles et que les tissus, hors tension, restituent l’âme de l’habit. Vicuña, guanaco, cashmere, soie ou lin, leur toucher délicat est exceptionnel. A plus de 1’000 euros le mètre carré, leur qualité est garantie à vie. Et dans les caves des ateliers Brioni, des centaines de milliers de mètres de tissus sont conservés religieusement, et pour certains, d’un millésime de plus de 50 ans d’âge.
Brioni en chiffres
1,5 heure pour faire une poche de veste contre 2 minutes dans l’industrie
2,5 mois pour un complet classique en collection
3,5 m2 de tissus nécessaires par complet
4 semaines de délai pour un complet sur-mesure
19 groupes de travail
36 phases de contrôle
45 complets sur-mesure produits par jour
70 repassages par complet
83% des points main sont à l’intérieur d’un complet
153 millions d’euros de CA en 2009
180 complets classiques de collection produits par jour
186 étapes de travail pour un complet
250 étapes pour un smoking
440 mains pour la production d’un complet
1000 euros le m2 de tissu
14’000 points main pour un smoking
65’000 complets par année
Crédit photo:Brioni, Steve Nesius-Keystone / Dr
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mercredi 6 avril 2011
mardi 5 avril 2011
Brioni en chiffres
Extrait d'article très intéressant du magazine économique Suisse "BILAN", daté de septembre 2010.
L'article original est également visible ici.
Par Cristina D'Agostino, le 29 septembre 2010 :
1,5 heure pour faire une poche de veste contre 2 minutes dans l’industrie
2,5 mois pour un complet classique en collection
3,5 m2 de tissus nécessaires par complet
4 semaines de délai pour un complet sur-mesure
19 groupes de travail
36 phases de contrôle
45 complets sur-mesure produits par jour
70 repassages par complet
83% des points main sont à l’intérieur d’un complet
153 millions d’euros de CA en 2009
180 complets classiques de collection produits par jour
186 étapes de travail pour un complet
250 étapes pour un smoking
440 mains pour la production d’un complet
1000 euros le m2 de tissu
14’000 points main pour un smoking
65’000 complets par année
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Par Cristina D'Agostino, le 29 septembre 2010 :
1,5 heure pour faire une poche de veste contre 2 minutes dans l’industrie
2,5 mois pour un complet classique en collection
3,5 m2 de tissus nécessaires par complet
4 semaines de délai pour un complet sur-mesure
19 groupes de travail
36 phases de contrôle
45 complets sur-mesure produits par jour
70 repassages par complet
83% des points main sont à l’intérieur d’un complet
153 millions d’euros de CA en 2009
180 complets classiques de collection produits par jour
186 étapes de travail pour un complet
250 étapes pour un smoking
440 mains pour la production d’un complet
1000 euros le m2 de tissu
14’000 points main pour un smoking
65’000 complets par année
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