Faite pour vous aller comme un gant, cette pièce du dressing masculin est un luxe, dont seuls quelques tailleurs assurent la pérennité. Enquête dans ces maisons de haute confection.
Se faire réaliser une chemise sur mesure est une expérience aussi délicieuse que douloureuse. Car, si en prêt-à-porter, on se contente de vous demander la taille de votre col et parfois, la longueur de vos bras, la même démarche en sur-mesure exige que vous passiez deux heures entre les mains d'un tailleur, qui toisera en détail plus d'une vingtaine de points de votre anatomie. Expérience qui aurait plutôt pour effet de persuader le premier Brad Pitt venu qu'il est en réalité plus proche de Quasimodo. "Nous n'y pouvons rien, explique, un brin fataliste, Jean Grimbert, directeur de la maison Arnys, l'homme parfait n'existe pas. Nous avons tous une épaule plus haute que l'autre, un bras imperceptiblement plus long, un cou un peu maigre ou son contraire, une façon de nous tenir plus ou moins voûté... et c'est bien pour compenser cette somme de petites anomalies que ceux qui ont un jour goûté aux joies de la chemise sur mesure ne peuvent ensuite plus s'en passer." Le monsieur sait de quoi il parle. Son père, Léon, était chemisier, son grand-père Jankel l'était aussi. A en croire Chatolufsen.blogspot.com, le blog spécialisé dans la chemise en "grande mesure", il serait l'un des sept spécialistes de l'objet en France, et il peut se targuer, en tout cas, d'avoir pris régulièrement, dans son magasin de Saint-Germain-des-Prés, les mesures de François Mitterrand, d'Yves Saint Laurent ou de François Fillon pour leur confectionner ses fameuses chemises.
Les boutonnières, un détail que les amateurs apprécient particulièrement
Le budget à prévoir pour l'une de ces beautés en coton, soie, lin ou cachemire? Pas moins de 550 euros. Un luxe pérenne, puisque le fabricant met de côté un peu de tissu dans votre coupon pour les réparations d'usure possible au col ou aux poignets, mais un sacré investissement quand même! Sans compter qu'il vous faudra patienter. Chez Arnys, une fois passé les deux heures de choix de tissus, de formes et de prises de mesure sous l'oeil expert de Michel Korn, tailleur affecté à la chemiserie, vous devrez revenir essayer la toile, qu'on réajustera encore sur votre corps, puis attendre deux semaines afin que les ateliers tourangeaux de la maison livrent enfin l'objet du délice. A quoi reconnaît-on une chemise sur mesure? "A la délicatesse du travail, répond Jean Grimbert. Le col, les rabats, les gorges de la manche, le roulottage des bords, l'ourlet à points serrés: tout est monté et cousu à la main. Il en va de même pour les boutonnières, un détail que les amateurs apprécient particulièrement, et que nos ouvrières tourangelles réalisent avec une telle précision que ce sont de vraies broderies!"
Un vestiaire d'initiés... jusqu'aux initiales
A propos de broderie, justement, celui qui consacre un tel budget à cette pièce de son vestiaire a coutume d'y faire broder ses initiales. Si les tailleurs français trouvent un peu "m'as-tu-vu" la coutume américaine de les apposer sur les manches, ils conseillent généralement de les placer à gauche, un peu au-dessous de la poitrine, à la hauteur du troisième bouton. Le summum du chic étant pour eux de les faire broder de façon presque incognito sur un pan de la chemise. Chez Smalto, qui possède également un atelier de chemises sur mesure (comptez 750 euros pour un modèle de ville et trois semaines de délai), on vous propose même, moyennant une rallonge de 80 euros, de vous broder emblème ou écusson là où vous le souhaitez. Il n'est toutefois pas certain que votre couronne de vicomte sera à sa meilleure place sur vos pectoraux... Chez Ralph Lauren, qui dispose, dans son nouveau magasin du boulevard Saint-Germain, d'un salon d'essayage pour réaliser des chemises en semi-mesure (fabrication italienne, sept semaines de délai, moins de choix dans les tissus ou les coupes, mais des tarifs à partir de 300 euros...), l'une des caractéristiques est de faire disparaître le logo du joueur de polo qui figure habituellement sur la poitrine.
D'autres maisons de luxe s'y mettent
Preuve de l'engouement pour cette pièce du vestiaire masculin, le tailleur Zilli, qui fête cette année ses 40 ans, vient d'inaugurer un service de chemise sur mesure dans trois de ses boutiques dans le monde: à Londres, à New York et à Paris. Elle a pour cela fait l'acquisition il y a quelques mois d'un atelier à Bergame, en Italie, où sont finalisées les commandes. Ici, le processus diffère un peu. Toutes les mensurations nécessaires sont prises sur le client, puis celui-ci est invité à endosser un modèle parmi les cinq "chemises témoins", plus ou moins sport, cintrées ou habillées, qui correspond à sa taille en prêt-à-porter. Ce n'est qu'ensuite que le tailleur se livre à un jeu d'aiguilles et de croquis, rajoutant un peu d'aisance à la poitrine, suggérant lequel des 9 cols ou des 13 formes de poignet conviendrait au mieux, allant jusqu'à prévoir un demi-centimètre en plus sur la manche de l'homme habitué aux montres volumineuses. Il faudra ensuite à ce dernier opter parmi plus de 300 coupons de tissu aux subtiles variations de tissage et de qualité. Pour quel coton craquer, par exemple? Du Giza 45 à très longue fibre, en provenance du delta du Nil, ou du Sea Island, au toucher incomparablement soyeux et venu en droite ligne des plantations de la Barbade ou de la Jamaïque. Sur la chemise enfin choisie, et dix jours après l'essayage, Zilli se fait fort de livrer son ouvrage. Le tarif des premiers modèles, aux jolis boutons de nacre australienne, est ici facturé 650 euros. Mais vous avez toujours la possibilité de faire remplacer la nacre par des boutons en or ou même en pierres précieuses... Surtout si vous avez gagné au Loto.
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